PROF A MARE

Pour aller en Finale Territoriale, il faut prendre l'avion. Pour les élèves, c'est déjà une récompense Les élèves possèdent de grandes qualités physiques mais souvent, ils manquent de motivation.
Comme en Métropole, en collège, les filles sont plus sérieuses et travaillent mieux.
A Maré, chez eux, les élèves parlent constamment leur langue (le nengoné). Au collège, ils doivent parler français. Certains ne maîtrisent pas bien le français, ce qui entraine des difficultés scolaires. En sport, dans le feu de l'action d'un match, ils crient "inu" (= à moi), "tibute ore balo" (= passe moi le ballon), "ibetulo" (= fais vite).

En cours d'EPS, le prof et les élèves recherchent l'ombre. Quand il fait chaud, on ne peut pas faire toute la séance sous le soleil.
Le premier trimestre, nous faisons des sports collectifs. Là, les élèves sont très doués et surtout en volley où ils ont un toucher de balle naturel. Il faut dire qu'ils y jouent beaucoup dans les tribus.

Le 2è trimestre, les températures plus basses (c'est l'hiver, ici) nous permettent de faire pratiquer le cross. Ils sont dans l'ensemble moins forts mais quelque uns sont très endurants. J'ai eu le plaisir d'emmener 4 élèves à la Finale Territoriale à Koumac et 3 d'entre eux ont terminé sur le podium (2è, 3è et 3è). Valentine, l'élève de Tadine concourt pieds nus.

Le 3è trimestre, nous proposons athlétisme. Je n'avais jamais bien enseigné cette discipline mais je m'y suis mis et je la trouve très intéressante. Cette année, nous avons pu qualifier 2 équipes filles à la Finale Territoriale. Elles terminent 3è (les benjamines) et 2è (les minimes). En individuel, elles montent 11 fois sur le podium et remportent 4 titres territoriaux.

Valentine (sur la photo) a appris les haies avec la classe de 6è que j'avais en cours et elle se retrouve, sans autre entraînement, à Nouméa, en Finale du 50m Haies.

Je complète ces activités par du badminton, du jonglage et du frisbee. Au départ, ils me disent que c'est nul puis après ça leur plaît.
Cette année, j'ai pu dessiner un plan du Collège et proposer quelques séances de Course d'Orientation.
Les élèves m'ont appris à jouer au cricket, celui qui se pratique ici et qui leur a été appris par les missionnaires "anglais" vers la fin du XIXè siècle. Les règles sont un peu différentes de celles du Cricket International.




Je reporte ci-dessous, quelques textes écrits ultérieurement et qui complètent ce que je viens de formuler.



Mardi 18 mai 04, Tadine

IL ETAIT UNE FOIS, … au collège.

l'appel, sur le plateau sportif Comme d’habitude, avant toute séance de sport, je fais l’appel. Mais ici, je veille, en même temps, à ce que chaque élève porte des chaussures de sport. Pourquoi cette attention particulière ?
De façon naturelle, à Maré, les enfants se promènent facilement pieds nus, certains le font même sur les coraux quand ils pêchent. Ils sont aussi capables de jouer avec adresse au foot pieds nus, ou en claquettes. Mais, malgré cette accoutumance, les enfants se blessent quand même. En sport, nous devons éviter que cela se produise.
Quand nous avons fait notre cross UNSS inter-collège sur Maré (juillet 2003), seulement 10% des enfants portaient des chaussures de sport. Mais, en UNSS, c’est clair : quand on court, le port de chaussures de sport n’est pas obligatoire. Par contre, il l’est pour toutes les autres activités. Pour nos séances d’EPS au Collège de Tadine, nous nous sommes calqués sur ce réglement .
Seulement, pour les élèves, porter des chaussures reste une contrainte.

Donc, je fais l’appel et en même temps je « zyeute » en direction des pieds.
« Joséphine. – Présente, monsieur. – Ok, fais-je en voyant les tennis qu’elle porte aux pieds »
Presque tous ont des chaussures mais avec quelques uns :
« Josué, tu n’as pas de chaussures ? – Monsieur, j’ai un bobo sur le pied. – montre-moi, Josué »
« Tokané ? – Monsieur, mes chaussures étaient mouillées. Il a plu hier. – C’est vrai (que dois-je faire ?) »
« Wapaéat ? Je fais un signe de tête en direction de ses claquettes. – Monsieur, mes chaussures sont trop petites. Elles me font mal. J’ai des ampoules. – Hum ! Hum ! (je suis vraiment embarrassé. Que dois-je décider ?) Bon tu vas pouvoir faire les 6 tours d’échauffement, mais après tu ne pourras pas jouer au foot. – Oh non ! monsieur ! ! ».
« Adèle ... et tes chaussures ? – Monsieur, elles sont dans mon sac. – Mais, Adèle, c’est aux pieds qu’il faut avoir ses chaussures ! »
« Jason
– – Présent, Monsieur. Fait-il un grand sourire aux lèvres.
– – Tu n’as pas de chaussures ?
– – Si, si, Monsieur, il me montre ses 2 claquettes, en riant.
– – ?
– – Si, Monsieur ».
Et en moulant l’un de ses pieds avec ses 2 mains, il rajoute : « Monsieur, mes chaussures sont invisibles ». Il me regarde en riant. Je suis désarçonné. Le visage des autres élèves s’illumine malicieusement et finalement, ils rient franchement en constatant que je souris sans rien pouvoir répondre. Certains même confirment les dires de Jason.
– – « Monsieur, c’est vrai, il a des chaussures Jason.
– – Elles sont mêmes très belles ses chaussures, Monsieur.
– – Monsieur, toi, tu ne les vois pas ! ?
– – Ah ah ah ! » moi aussi je ris. Je pense à ce roi nu du conte d’Andersen.
Je leur raconte cette histoire.

Mais, Jason, le roi aux pieds nus, ne pourra pas jouer au foot.

4 avril 2003 : lettre à tout le personnel du collège de Mouthe
ou premier jour de vacance d'un prof de Tadine

Retour