CHRONIQUES MAREENNES

Les textes de cette rubrique sont placés dans l'ordre chronologique, en commençant par le plus récent. Les premiers textes sont en bas de page.



Samedi 26 juin 04 : C'est l'hiver.
PEDALONS SOUS LA PLUIE



Nous partons tard pour nous rendre chez Céline, que nous n’avons pas vue depuis longtemps. Nous renonçons à prendre le maillot de bain car nous n’aurons pas le temps de nager avant le repas, et après, nous n'en aurons pas envie. Le temps n’est pas sûr, il alterne entre des petites pluies et du soleil. Nous enfourchons nos bicyclettes en nous disant que c’est de la pluie qui ne mouille pas beaucoup et que, pendant les éclaircies, le vent et le soleil nous sécheront très vite.
Nous arrivons bien secs, en même temps que quelques vilaines grosses gouttes.

Le repas, au snack de Céline, est toujours un plaisir. Face à la belle plage de Yédjélé, l’un se régale d’une portion de perroquet (c’est un poisson) et l’autre déguste des crevettes sauce curry. Alors que nous en sommes à la glace et au café, nous réalisons que la pluie tombe sans discontinuer et que l’horizon est sombre.
Nous attendons un peu. Céline est venue bavarder avec sa dernière fille, un bébé de 3 mois. Nous les prenons toutes les deux en photo. Comme il n’y a pas de photographe sur l’île, les photos font plaisir, ce sont de rares occasions de garder des souvenirs.

Il ne fait pas très chaud, quand même. Comme le temps ne semble pas vouloir s’éclaircir, nous décidons de partir quand même. Sous le regard amusé de notre hôtesse, nous enfilons chacun un sac poubelle, taille 150 litres, pourvu de 3 trous. Guy plaisante en disant que ce sont nos « robes missions ». Ils ne nous protègeront pas de la pluie, mais du vent froid sur nos habits trempés.

Au bout de 5mn Marine s’arrête .
- C’est nul, les lunettes sans essuie-glaces ! Elle les range dans la sacoche
- C’était peut-être en option, Tu aurais dû demander.

- On a les pieds trempés, fait remarquer Marine. Tu ne glisses pas dans tes chaussures ?
- Non, ça va. Je suis bien dans mes claquettes.

- Je vais me prendre une douche bien chaude, déclare Guy.
- Ne rêve pas trop, j’en ai pris une ce matin, elle était presque froide, et ce n’est pas le soleil d’aujourd’hui qui l’aura réchauffée.
- C’est vrai, ce matin, pour la vaisselle, j’ai dû faire chauffer de l’eau dans la bouilloire.

Guy , avec son VTT, évite soigneusement les flaques d'eau. Marine, qui a des garde-boues, fonce droit dedans, en s'éclabousant.
- ça ne te fais rien ?
- c'est super, elle est chaude !

En passant sur le tronçon de route, abîmé par le cyclone Erica, dont on a enlevé tout le goudron, Guy sent que sa jante arrière touche les cailloux. Il regonfle le pneu, sous la pluie. Mais, plusieurs coups de pédales plus loin, c’est à refaire. Le verdict est implacable : crevaison ! La seule solution, par ce temps, c’est de regonfler et de pédaler comme un fou pour recommencer le plus loin possible. En regardant sur son compteur, il se rend compte qu'il peut ainsi parcourir 1 kilomètre. « Il me faudra 4 arrêts pour rentrer ».

En traversant Tadine, nous voyons des enfants jouer au foot sous la pluie, en pataugeant allègrement dans la boue et les grandes flaques d’eau qui recouvrent la pelouse habituelle.
La côte de la pharmacie est presque barrée par le remblai en "catcha" blanc des bas-côtés que l’eau à emporté.

Nous sommes bien heureux d’arriver enfin, d’enlever nos habits mouillés et de prendre une douche même tiède. C'est l'essuyage énergique qui nous réchauffe. Quel bonheur d’être bien secs dans des vêtements bien chauds, alors que la pluie redouble d’intensité !



Samedi 19 juin 04
INTERVENTION CHIRURGICALE A TADINE



le chirurgien et son assistant 18 années durant, elle avait officié sans faillir, lessivant tout ce qui se présentait, malgré l’ampleur de la tâche. Quand elle est arrivée chez nous , notre dernier avait 5 ans et ses sœurs 11 et 8 ans. Autant dire qu’elle n’avait pas chômé pendant ces longues années à notre service.

Au moment de quitter la Franche Comté pour l’autre côté du monde, nous ne voulions pas laisser à nos enfants, la lourde tâche de veiller sur ses derniers instants. Nous avions donc décidé de lui offrir une fin de vie paisible, sous les tropiques.

Le voyage et l’adaptation semblaient ne pas l’avoir éprouvée, malgré son grand âge. Et puis, un matin de mai, un an après son arrivée, son tambour s’est bloqué et elle n’a pas réussi à essorer.

Que faire ? Pas de réparateur sur l’île même pour un simple diagnostique.
La transporter sur Nouméa? C’était prendre le risque de s’entendre dire : « elle est trop vieille, impossible de la réparer, les pièces n’existent plus ».
Acheter tout de suite une machine neuve ?
Marine refusait de l’abandonner sans essayer quelque chose, parcequ'elle n’était pas tout à fait morte, son moteur « battait » encore…

Nous avons donc tenté de l’opérer nous-même. Si ce n’était pas le moteur, ni la pompe, c’est que, soit quelque chose bloquait le tambour, soit les roulements à billes étaient grippés. La carcasse en partie démontée ne donnait accès qu’à un seul roulement du tambour, l’autre étant caché sous ce dernier. Du produit dégrippant ne fut pas assez efficace, restait le démontage de la cuve. C’est là que nous avons butté sur un boulon très rebelle. Toute personne du sexe fort, passant chez nous était encouragée à essayer.
A force d’en parler à tout le monde, nous avons eu connaissance d’un nouveau collègue de La Roche qui pourrait peut-être nous aider. Mais nous n’avons pas réussi à le joindre avant notre départ en vacances. Dommage, car lors de ces départs, nous passons toujours une journée à Nouméa pour des achats.

A notre retour, il est venu, tel un docteur, sa trousse à la main, en disant « voyons.. ». Il s’est agenouillé auprès de la malade et à dit « je vois, ce ne sera pas trop difficile». En ¼ d’heure, il a démonté le tambour et libéré les deux roulements à billes qui étaient, effectivement, complètement soudés.
Restait à se procurer les pièces. Lors d’un déplacement à Nouméa, nous avons réussi à trouver le magasin spécialisé dans les pièces détachées et par chance, les pièces nécessaires étaient en stock. Le commerçant était subjugué par l’âge de la machine. « Maintenant, un roulement ne tient pas plus de 3 ans.»

Notre sympathique collègue est venu nous aider pour la délicate opération de remontage. Il nous a fallu presque 2 heures d’intervention, mais la machine fut sauvée.
Après une nuit de convalescence, elle a assuré sa première lessive ce matin, avec succès.


PS : Merci à toutes les personnes qui nous ont proposé de venir faire nos lessives chez eux. Cela nous a permis de tenir un mois.


Le 8 juin 04
RENDEZ-VOUS AVEC VENUS

image souvenir fournie par l'observatoire de Marseille. Je savais, depuis longtemps, que le 8 juin, Vénus passerait devant le soleil. Ce serait un événement exceptionnel en raison de sa rareté, car le dernier passage remontait à 1882. Autrefois, des expéditions avaient été montées dans le but de connaître la distance entre le soleil et la terre : à Tahiti par James Cook en 1769 (il en reste la pointe Vénus), et à Nouméa en 1874 (il en reste le Mont Vénus) . Je rêvais, de refaire les mêmes gestes, de ressentir la même émotion que mes illustres prédécesseurs.

L’an dernier j’avais manqué le transit de Mercure, car dans notre hémisphère (maintenant Sud), l’observation avait été courte, et le mauvais temps avait empêché toute observation.

Le samedi 5 juin rentrant de 15 jours de vacances en Australie, je suis heureux de découvrir, dans mon courrier le dernier numéro de la revue Ciel et Espace, consacré en grande partie à cet événement. Seulement, je ne comprends pas bien quelles sont les possibilités de l’observer en Nouvelle Calédonie.

Le dimanche 6, je vais sur Internet et j’arrive à savoir que l’on verra le transit de Vénus à son commencement, vers les 16h et jusqu’à ce que le soleil se couche, vers les 17h. OK, je verrai cela demain avec François, le prof de physique qui anime des cours d’astronomie au collège, avec un télescope. Il doit être équipé.

Lundi 7, déception ! François est en stage à Nouméa et ne reviendra que le 8, en soirée, donc trop tard. Je suis piégé. «Ciel et Espace» rappelle bien que pour l’observation il faut, comme pour une éclipse, une paire de lunettes spéciale. Pour prendre des photos, il faut équiper son appareil d’un filtre du même matériau. Tout cela est resté chez moi, à Montperreux. Je n’ai rien ici.

un magnifique nuage, au bon endroit. Mardi 8, en rentrant de cours, le soleil est trop éblouissant, je me console en regardant l’éclipse en direct grâce à Internet : Marseille, Pic du midi, la Réunion, le Queyras. Lors de ma connexion, le 1er et le 2ème contacts sont passés. Vénus est bien petite, et suivant les télescopes elle est à gauche ou à droite, en haut ou en bas. Dans la réalité, je ne sais pas quel trajet elle décrit.

Lorsque le soleil commence à être bien bas, je descends au port. J’arrive face à la mer, et juste à temps pour le voir disparaître derrière la bande de nuages qui s’étale au dessus de l’horizon. Tant pis, de toutes façons, je n’avais pas les lunettes. Je fais quelques photos «souvenirs» et je remonte regarder la suite sur l’écran de l’ordinateur.

Pour les malchanceux comme moi, une session de rattrapage est annoncée pour 2012. Sinon, plus rien ne sera possible avant le 11 décembre 2117. (Il suffit d’être patient.)


Tadine, le 8 juin 04
RECEPTION D’UN BUS


Madame l'intendante et Monsieur le Principal agitant les clés. L’an dernier, lors des réunions bilan de fin d’année, Monsieur le Principal, en concertation avec les professeurs, avait proposé que le collège s’équipe en 2004 d’un projecteur vidéo afin d’organiser des soirées cinéma ouvertes à tous, et un bus pour faciliter les différentes sorties pédagogiques. Il fallait, bien sûr, faire des demandes et les sommes nécessaires me paraissaient exorbitantes. Je me disais que c’était bien de …rêver, en me souvenant qu’au Collège de Mouthe, les nombreuses démarches pour obtenir un bus s’étaient soldées par un échec.

Eh bien ! il faut croire qu’en Nouvelle Calédonie, c’est différent, car à la rentrée, nous apprenions que le projecteur avait été acheté et que le bus (d’occasion) devait arriver pendant nos vacances de juin.

Comme je suis, pour l'instant, le seul au collège à posséder le permis de transport en commun, le Principal a repoussé son arrivée pour que je sois présent.

Donc, ce matin à 7 heures, le bus débarque du Havannah, en même temps que tout le chargement habituel de fournitures diverses pour l’île. A 8 heures nous arrivons avec le Principal et l’intendante. Le bus est déjà sur le quai, il nous attend.

Le faire démarrer sera une sacrée paire de manches. De toute évidence, il n’y a pas assez d’énergie dans les batteries. Avec un téléphone portable, nous nous mettons en relation avec un responsable compétent du garage expéditeur. Il diagnostique la même chose que nous, mais il nous pilote en direct, sur ce qu’il fait faire et ne pas faire. Finalement nous arrivons à le faire démarrer en nous branchant sur un des tracteurs-élévateurs du Havannah, qui possède, comme le bus, une batterie de 24 volts.

Et c’est ainsi, qu’à 9h30, sous les ovations des élèves en récréation et la peur au ventre de le faire caler, je ramenais le beau bus blanc, dans la cour du collège.


Samedi 5 juin 2004, Nouméa
RETOUR DE VACANCES

Petite croisière sur une mer d'huile. Nous venions de passer 15 jours de vacances dans l’ouest australien, et de rouler à gauche pendant 1800 km sans encombre.
L’avion nous avait déposé à Tontouta à l’heure prévue : 15h30 où notre voiture de location nous attendait.
Nous avons commencé nos démarches sur Nouméa sans tarder, pour les poursuivre le lendemain toute la journée. Il s’agissait de petits achats, de passages dans les bibliothèques et à l’agence de voyage, tout cela nécessitant pas mal de déplacements en ville. Certains achats furent déposés au fret du bateau et l’excédent de nos valises, au fret de l’avion. Le vendredi soir, en recomposant nos valises, nous pouvions nous dire : « des journées comme cela sont stressantes, mais nous commençons à être au point. Nous avons pratiquement réussi à tout faire »

Dans la cuisine de l’Auberge de Jeunesse où nous logeons, nous croisons Yves et Claudette, des collègues de Lifou qui nous apprennent que n’ayant pas trouvé de place dans l’avion, ils rentrent en Betico avec une escale à Maré. Convocation demain matin à 6h. Marine leur dit que nous nous lèverons encore plus tôt, pour la convocation de 5h à l’aéroport. Elle leur explique qu’elle n’apprécie pas du tout le bateau et que sa dernière traversée (Lifou-Maré) fut un enfer. Se rendant compte de sa maladresse, elle leur remonte le moral en évoquant le temps très calme dont nous bénéficions en ce moment.

En me couchant, je m’inquiète : « Marine, je ne téléphone pas à Patrick, pour demain matin ? !
– Mais non, s’il a oublié, on lui téléphonera depuis La Roche, après l’atterrissage». Patrick, un collègue, allait venir nous chercher et nous serions chez nous à 7h30 pour 2 jours de récupération avant de reprendre l’école lundi. Avant de fermer les yeux, je règle la sonnerie de ma montre sur cinq heures moins le quart, et m’endors en pensant qu’il nous reste 8 heures de sommeil. Ca ira.

La sonnerie de la montre nous sort du lit. Ce n’est pas compliqué, on s’habille, on plie les draps et les couvertures, et on sort des dortoirs.
« Tu ne trouves pas qu’il fait bien jour ? me dit Marine. Je pense que c’est peut-être normal. « Quelle heure est-il ? » Coup d’œil à ma montre :
– Tu as raison, Marine. Quel c...!, il est 6 heures !!
– Oh non ! l’avion décolle dans 1/4 heure, c’est fichu !
– Bon, on fonce quand même. Redonne les clés de la chambre, et ouvre la voiture.
Je la suis en portant les grosses valises et en n'arrêtant pas de me maudire. Pendant que je charge la voiture, Marine a une idée.
- On va essayer de prendre le Bético. Rappelle-toi, nos amis partaient plus tard que nous.
- Oui, on n’aura jamais l’avion et les autres vols doivent être complets à cause des retours de vacances.
- Pourvu qu’il reste de la place dans le bateau. »

Il y avait de la place.
Et c’est comme cela que Marine est courageusement partie pour 3 heures de navigation. Nous avons pris notre petit déjeuner à bord. «Autant avoir quelque chose à vomir» disait-elle. La mer est restée d’huile et le cacao bien au chaud, dans nos estomacs.
Une fois au calme, je comprends assez vite l'erreur commise. J'ai réglé l'alarme de ma montre en affichant les heures (5h) puis les minutes (45). Ce qui faisait 5h 45 et non 5h moins le quart.
Les plus surpris furent Yves et Claudette. A la fin du voyage, voyant que tout allait bien, ils ont déclaré que c’était moi qui avait organisé tout cela pour réconcilier Marine avec les bateaux.





Mardi 18 mai 04, Tadine

IL ETAIT UNE FOIS, … au collège.

l'appel, sur le plateau sportif Comme d’habitude, avant toute séance de sport, je fais l’appel. Mais ici, je veille, en même temps, à ce que chaque élève porte des chaussures de sport. Pourquoi cette attention particulière ?
De façon naturelle, à Maré, les enfants se promènent facilement pieds nus, certains le font même sur les coraux quand ils pêchent. Ils sont aussi capables de jouer avec adresse au foot pieds nus, ou en claquettes. Mais, malgré cette accoutumance, les enfants se blessent quand même. En sport, nous devons éviter que cela se produise.
Quand nous avons fait notre cross UNSS inter-collège sur Maré (juillet 2003), seulement 10% des enfants portaient des chaussures de sport. Mais, en UNSS, c’est clair : quand on court, le port de chaussures de sport n’est pas obligatoire. Par contre, il l’est pour toutes les autres activités. Pour nos séances d’EPS au Collège de Tadine, nous nous sommes calqués sur ce réglement .
Seulement, pour les élèves, porter des chaussures reste une contrainte.

Donc, je fais l’appel et en même temps je « zyeute » en direction des pieds.
« Joséphine. – Présente, monsieur. – Ok, fais-je en voyant les tennis qu’elle porte aux pieds »
Presque tous ont des chaussures mais avec quelques uns :
« Josué, tu n’as pas de chaussures ? – Monsieur, j’ai un bobo sur le pied. – montre-moi, Josué »
« Tokané ? – Monsieur, mes chaussures étaient mouillées. Il a plu hier. – C’est vrai (que dois-je faire ?) »
« Wapaéat ? Je fais un signe de tête en direction de ses claquettes. – Monsieur, mes chaussures sont trop petites. Elles me font mal. J’ai des ampoules. – Hum ! Hum ! (je suis vraiment embarrassé. Que dois-je décider ?) Bon tu vas pouvoir faire les 6 tours d’échauffement, mais après tu ne pourras pas jouer au foot. – Oh non ! monsieur ! ! ».
« Adèle ... et tes chaussures ? – Monsieur, elles sont dans mon sac. – Mais, Adèle, c’est aux pieds qu’il faut avoir ses chaussures ! »
« Jason
– – Présent, Monsieur. Fait-il un grand sourire aux lèvres.
– – Tu n’as pas de chaussures ?
– – Si, si, Monsieur, il me montre ses 2 claquettes, en riant.
– – ?
– – Si, Monsieur ».
Et en moulant l’un de ses pieds avec ses 2 mains, il rajoute : « Monsieur, mes chaussures sont invisibles ». Il me regarde en riant. Je suis désarçonné. Le visage des autres élèves s’illumine malicieusement et finalement, ils rient franchement en constatant que je souris sans rien pouvoir répondre. Certains même confirment les dires de Jason.
– – « Monsieur, c’est vrai, il a des chaussures Jason.
– – Elles sont mêmes très belles ses chaussures, Monsieur.
– – Monsieur, toi, tu ne les vois pas ! ?
– – Ah ah ah ! » moi aussi je ris. Je pense à ce roi nu du conte d’Andersen.
Je leur raconte cette histoire.

Mais, Jason, le roi aux pieds nus, ne pourra pas jouer au foot.




Le 13 mai 04 TADINE
LE PASSAGE DE L'EXTERMINATEUR


l'enfumage se fait au coucher du soleil La trouille ! quand nous avons vu cet homme se diriger vers notre maison.
Que fait cette personne équipée d’un masque à gaz et armée comme un Terminator ?
Son lance-flamme crache de la fumée. Tout le paysage disparaît dans un épais brouillard. Ce terroriste progresse sans se soucier des obstacles.
Et tout cela, juste pour tuer une malheureuse petite bête, l’aedes aegyti, un moustique qui en vous piquant peut vous transmettre la dengue.

Qui l’eût cru ? Nous nous sentions, sur notre île, bien protégés de la dengue. En 2003, les cartes de cette épidémie laissaient Maré vierge, épargnée. Les seules personnes atteintes l’avaient, paraît-il, attrapée soit à Nouméa, soit à Ouvéa. Puis, la saison froide se chargea de tuer les moustiques et de mettre un terme à l’épidémie. Mais ce ne pouvait être qu’une pause car avec l’été, ils allaient pulluler à nouveau. Le redémarrage fut retardé car décembre et janvier furent secs.

Fin mars, au retour de Marine, quelle ne fut pas notre surprise d’apprendre, par la radio, qu’il y avait 2 foyers de dengue : Nouméa et … Maré ! ! Nous en eûmes la confirmation 2 jours plus tard, quand nous rencontrâmes, sur le marché, la femme d’un médecin du dispensaire. « Oui, ça va mieux. Je viens d’avoir la dengue. Pendant tout le week-end, ça a été terrible. Mal à la tête, 40° de fièvre. En plus je devais faire des quiches pour le trim-trim* de l’école de notre fille ». Elle nous raconta que depuis le début de l’année, il y aurait eu, environ, une trentaine de cas à Maré, et particulièrement à Tadine, dans le quartier du collège. L’équipe médicale craint que la nouvelle forme de dengue sévissant en Asie, n’arrive ici, entraînant cette fois des décès.

les routes se sont garnies de jolis sacs rouges Les autorités calédoniennes ont organisé une journée de mobilisation générale, le samedi 3 avril . De nouvelles affiches de sensibilisation avaient été diffusées encourageant au nettoyage des jardins. Elles étaient plus percutantes qu’avant : « La cible : les larves de moustique. L’arme : VOUS ! Assurez vos missions ! » Il y eut aussi, une distribution de sacs plastiques rouges. Chacun était invité à y jeter les gîtes larvaires potentiels (boites vides, coquillages, noix de coco ouvertes, ... ).

En discutant avec les maréens un peu âgés, nous apprenons que Maré a longtemps été une île épargnée : « il y a 15 ans, il n’y avait pas de moustiques à Maré. Ils sont arrivés avec l’eau courante ». « il n’y avait pas non plus, jusqu’en 2000, de guêpes sur Maré. Elles sont arrivées avec les tuyaux et les gaines de l’électrification de l’île. Elles sont jaunes, grosses comme des frelons avec de longues pattes arrières ». « il n’y a pas encore de tiques sur le bétail mais il y a déjà des tiques sur les chiens ».... Et maintenant la dengue !…

*Se prononce tchim-tchim. C’est un genre de kermesse.



Pendant le pique-nique Samedi 8 mai 04, Tadine.
ENCORE UN ACCIDENT DE LA ROUTE CE WEEK-END
Chute dans la descente de Patho : 2 blessés



Ils étaient 11 vaillants cyclistes, partis de bon matin, sous un ciel clément, pour une randonnée de 70 km (Tadine-Patho-Tadine). L'itinéraire choisi, n'était pas le plus court, mais longeait la côte sud, afin d'en admirer les bleus changeants.
La matinée s'avançait et, après quelques pauses, un corps à corps s'engagea contre le vent sur une belle ligne droite de 10km. Puis, la descente vers Patho se présenta. C'était la récompense de la journée : 80m de dénivelé, et au bout, la plage, le pique nique, le repos.

C'est là que monsieur Biasse, traitreusement déstabilisé par l'envol de sa casquette, s'est brusquement trouvé en désaccord avec son véhicule. Ce dernier tourna sa roue en direction de la casquette rebelle, alors que notre malheureux cycliste, emporté par son élan continua seul, sa descente. Moins véloce que sa machine, après un joli roulé boulé, il s'arrêta dans les graviers.
Après 5 longues minutes de récupération, le courageux cycliste, ayant retrouvé sa machine quelque peu tordue, sa casquette et ses esprits, réussit à terminer sa descente afin de rejoindre son groupe. Heureusement, un médecin faisait partie de la sortie, et put lui prodiguer les premiers soins. Les deux blessés furent dispensés des 35km du retour avec le vent dans le dos : ils regagnèrent Tadine en voiture.

Bilan de la journée : 1 épaule très endolorie (plusieurs jours d'écharpe), un coude bien écorché (1 semaine de soins au dispensaire), et une poignée de changement de vitesses éclatée (nouvel achat lors des prochaines vacances).



Vendredi 30 avril 04, Nécé.
R.N.C. EN DIRECT DE MARE

René Molé, en direct de Nécé, pour Moudjénïa René Molé* est sûrement la personne la plus populaire de Nouvelle Calédonie. C’est l’animateur de l’émission de radio « Moudjénïa*, messages et dédicaces », de 19 à 21 heures, tous les soirs de la semaine. Entre deux disques, il ouvre son micro à toute personne qui, au téléphone veut donner un petit bonjour à l’antenne. Nous sommes peu d’habitants et c’est l’occasion, par exemple, pour de jeunes étudiants, « exilés » à Nouméa, de saluer leur famille restée dans les îles, ou inversement. C’est très détendu, et l’animateur arrive à rendre cette émission divertissante, ce qui n’est pas forcément évident. Profitant de son aura auprès des jeunes, tous les mercredis soirs, René transforme son émission en forum sur la sexualité, invitant médecins, psychologues, sages-femmes etc, à répondre aux questions des auditeurs.

Comment, quelqu’un d’aussi connu, s’est-il retrouvé sur notre île ?
Eh bien, en raison de la Fête de l’avocat. C’est l’événement annuel qui rappelle à toute la Calédonie que Maré existe et qu’elle produit les meilleurs avocats de la région, 30 à 40 tonnes par an, et au moins 15 variétés différentes. Dégustations et diverses animations sont proposées à l’occasion de ces 2 jours de grand marché.
Pour couvrir l’événement, cette année, Radio Nouvelle Calédonie s’était déplacée en la personne de René Molé et de son assistant. Arrivés par avion le vendredi matin, ils ne disposeront que de la moitié de leur matériel. René assurera quand même les reportages, en direct, prévus ce matin-là. Ils récupéreront le reste de leur matériel par le vol de midi. Ce qui leur permettra d'être fin prêts pour l'émission Moudjénïa*.

Curieux de mettre un visage sur cette voix sympathique, nous avons emprunté une voiture** pour nous rendre à Nécé.
Précisons que nous étions allés à la fête, l’après-midi, mais que nous ne l’avions pas trouvé. Une grand-mère*** du marché, que nous connaissons bien, avait eu plus de chance : « c’est un mec de Lifou », et à notre question de savoir à quoi il ressemblait « c’est un mec gros »…(les grand-mères de Maré savent rester jeunes !)

Nous avons rencontré pas mal d’élèves du collège. Ils et elles entouraient l’animateur sans trop oser parler au micro. Nous les encouragions : « vous direz : un bonjour pour monsieur Biasse, mon professeur préféré, que j’adore ». Cela faisait un joyeux attroupement.
Avant de rentrer, nous avons écouté quelques chansons produites sur le podium, par des groupes de Maré. Sur le chemin du retour nous avons pu suivre la suite du concert, sur la radio de la voiture, car René Molé poursuivait son émission sur le podium, interrogeant les artistes entre deux morceaux.

(*) nous n’en connaissons pas l’orthographe.
(**) nous évitons de prendre nos vélos, la nuit.
(***) ici on dit respectueusement "vieille", mais nous faisons un blocage.



Mardi 27 avril 04, TADINE

UN PAPILLON DE NUIT ECHAPPE A UNE MORT CERTAINE

Le corps de ce margouillat mesure 6 cm + 6 cm pour la queue. Cela vous donne une idée de la taille de sa proie. Le manque de télévision ne nous empêche pas , tous les soirs, d’assister « in live » à notre émission préférée : « la vie des bêtes ». Comme nous dînons sur notre terrasse, nous pouvons, tout à loisir, observer l’affût des margouillats. Les margouillats sont des sortes de lézards qui, grâce à une technologie très avancée, sont capables de se déplacer sur les plans verticaux, comme les murs, les vitres, et sur les plans horizontaux comme les plafonds. Eh oui, ils « collent » et marchent, la tête en bas, tels des mouches. Quand nous disons qu’ils sont à l’affût, ils le sont effectivement, mais pas dissimulés dans les hautes herbes comme les lionnes. Non, ils se tiennent sur le mur nu et ils attendent, très visibles…pour nous, mais peut-être pas pour les papillons de nuit qui finissent toujours par se poser près d’eux. Témérité ? Inconscience ? Leur courte vie, aussi chaotique que leur vol, se termine souvent ici.

Mais un papillon de nuit, ce soir-là a trouvé une parade.
Il est sorti de la nuit, et là, ébloui, s’est cogné partout, au lustre, au plafond, aux vitres…
Déjà son vol bruyant avait alerté les 4 à 5 margouillats du secteur. La tête redressée, ils en suivaient la trajectoire avec intérêt. A chaque passage de leur proie, les pattes se recroquevillaient, le cou rentrait prêt à projeter leur gueule ouverte de fauve. Comme tous les autres, ce papillon se fatigua. (son vol n’est pas un modèle d’économie d’énergie). Eprouvant le besoin d’aller se reposer, il alla se poser ... sur le fin grillage anti-moustique de notre fenêtre.
Aussitôt, les 3 margouillats les plus proches, s’avancent silencieusement. Celui qui arrive le plus vite à proximité de ce met succulent, continue, bientôt seul. Il ne tarde pas à poser une patte avant, sur le grillage. Et là il s’arrête net. Dans l'élan, une 2ème patte se pose aussi, mais on sent que ce sont les pattes arrière qui retiennent le corps de l’animal qui refuse, maintenant, d’aller plus loin. Le papillon est pourtant tout près, immobile.
Recroquevillé, le margouillat est, de nouveau, prêt à bondir. Et c’est là que se produit , l’incroyable ! Le margouillat renonce, et remonte sur le mur.
Pourtant, dans sa petite cervelle, le souvenir de la proie, est vraiment très fort. Il se ravise, donc, et fait demi-tour. Recommençant son approche. Il pose de nouveau les pattes antérieures sur ce support qui ne lui inspire guerre confiance, mais il garde les pattes arrière solidement scotchées sur le rebord de la fenêtre. Il a beau s’étirer au maximum, le cou tendu, la gueule ouverte, 2 centimètres le séparent de son souper. Dans sa petite tête, sa conscience lui dit peut-être : « cool ! Soit prudent. Tu sais bien que si tu t’aventures sur cette surface instable, avec ce gros lourdaud se débattant dans ta gueule, tu risques de tomber. Quelle chute ! ».
Le papillon, hypnotisé ? résigné ? ne bouge absolument pas. Le margouillat hésite toujours.
Le temps s’immobilise.

« Il n’est peut-être pas si bon que cela, ce gros papillon. Laisse-le se faire manger par quelqu'un d'autre.»
Maître Renard aurait dit : "les raisins sont trop verts."

Alors qu’il remonte sur le mur, il voit un tout petit papillon qui vient le narguer en se posant, sur le plafond, juste au dessus de lui…





Samedi 24 avril 04.
WEEK-END SPORTIF ET CULTUREL A MARE

derrière Marine, la jolie baie de Mébouet (prononcer Mébouette) Profitant du beau temps, la famille Biasse a voulu conjuguer à la fois, le sport cycliste, et l'appovisionnement en nourritures terrestes et intellectuelles.
Ce samedi matin, Guy et Marine se sont rendus à la bibliothèque du centre culturel Yéwéné Yéwéné de La Roche pour y choisir des romans et des documentaires.
Puis ils ont fait un crochet par la tribu de Ténane qui tient son marché tous les samedis après-midi. Comme des repas sont servis, avant le marché, cela permet à ceux qui viennent de loin, de se restaurer. Une assiette bien garnie de poisson, de salade et de riz, leur fit le plus grand bien, surtout qu'elle s'accompagnait d'une délicieuse citronade bien fraîche.
Après les achats de fruits et légumes frais, ils ont repris courageusement la route du retour. Heureusement une personne demeurant à Tadine a proposé de transporter les livres et les achats, dans sa voiture, rendant le retour un peu plus facile.
Bilan de la journée : 6 livres, 4 kilos de ravitaillement et 60 km de route.
Aux 60 km de ce samedi, il faut ajouter les 24 km de vendredi pour aller nager à Yedjelé et les 20 km de dimanche pour aller nager cette fois à Nécé. Ce qui fait 100 km pour le week-end. Un petit exploit pour Marine, qui rappelons-le avait été victime d'une bonne fringale, lors de sa première sortie cycliste (24 km), en mars 2003.


Mardi 20 avril 04.
Tadine.
COLLISION FRONTALE : 1mort, 1 blessé

photo prise le lendemain soir, mercredi. La veille, le délégué de District UNSS de Maré n'a pas eu le temps de se raser. Et pour affronter le soleil, lors des compétitions de foot de cet après-midi, il s'est enduit le nez de crème solaire. A la tombée de la nuit, un peu après le coucher du soleil (17h55), un individu volant, non identifié, circulant à vive allure(*) , sur le côté gauche de la rue principale de la tribu de Tadine, tous feux éteints, est venu percuter de plein fouet monsieur Guy Biasse, remontant la côte à bicyclette, après avoir acheté son journal à La Corniche d’Oléur.
Le chauffard s’est encastré en plein dans l’œil gauche de sa victime. Sous la violence du choc, monsieur Biasse a perdu l'équilibre, évitant toutefois la chute. Pendant ce temps, la dangereuse bestiole poursuivait son œuvre dévastatrice. Se sentant prisonnier dans l’œil qui s’était refermé instantanément, elle se débattait, déversant probablement son venin.
La pauvre victime, son véhicule entre les jambes, la tête penchée vers le bas, serrait encore plus fort ses paupières. Son œil le brûlait et des gouttes de pleurs venaient arroser le sol.

C’est alors que trois dames, rentrant chez elles à pied, le découvrirent et l’interpellèrent joyeusement :
« Oh! Monsieur! Vous allez nous monter sur votre porte-bagage ?
- je ne suis pas en état de le faire. J’ai un insecte dans l’œil et j’ai très mal. Pouvez-vous faire quelque chose ? »
Une dame de bonne expérience se pencha vers l’œil et pendant qu’elle l’examinait, monsieur Biasse ne put s’empêcher de dire :
« Eh bien, les moucherons Kanaks, c’est des guerriers ! Chez nous, en Métropole, ils sont plus sympas.
- Attendez, ouvrez votre œil. »
Comme il n’y arrivait pas, elle lui écarta délicatement les paupières et souffla très fort. Elle dû recommencer la manœuvre une deuxième fois, pour être bien sûre.

Rentré chez lui, il s’empressa de tout raconter : « Marine, est-ce que tu sais comment on enlève un moucheron d’un œil, en Nouvelle Calédonie ? ».
L’œil avait quelque peu souffert de la collision et suppura pendant les trois jours qui suivirent, obligeant son épouse à lui prodiguer, trois fois par jour des soins attentionnés.
Plusieurs personnes de Maré nous avaient conseillés de nettoyer l'œil avec une infusion de thé additionnée de lait maternel.

*les analyses balistiques tentent à prouver que la vitesse dépassait les 50 km/h